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216 LA PÉRIODE LOCALE (1830-1865)

tenir pour un idéaliste n’explique pas le phénomène, pas plus que le prendre pour un mystique. Tout ce que l’on peut faire probablement, c’est de le prendre pour ce qu’il est — une figure originale et engageante qui a fixé sa demeure sur les confins du connu et de l’inconnu, qui tantôt fait une courte incursion dans l’au-delà, tantôt se retourne et vient à nous le sourire aux yeux et les lèvres prêtes à parler, mais qui prévient nos questions et se retranche derrière la barrière mystique, pour encore revenir et se retirer encore et ainsi indéfiniment.

L’Emerson de 1840 à 1860 ne fut pourtant pas, pour ceux de son groupe, une personnalité aussi fuyante qu’il semble l’être aujourd’hui pour certains d’entre nous. Au contraire, il leur fut un stimulant. On peut juger par un sonnet célèbre de Matthew Arnold à quel point il fit impression sur ses disciples. Ses Essays furent publiés en deux fois, en 1841 et 1844. En 1847, Emerson donna un recueil de ses divers poèmes, parus dans The Dial et autres périodiques. L’année suivante, il rendit pour la seconde fois visite à l’Angleterre, y faisant entre autres conférences la brillante série sur les Représentative Men, qui fut éditée en 1850, un an après l’apparition d’autres conférences célèbres, comme Man tlie Reformer, dans un volume de « Mélanges ». Les English Traits ne parurent pas avant 1856. Pendant ce temps il avait continué ses cours, s’intéressant de plus en plus à la politique — jusqu’à prononcer même des discours de propagande. Sa Conduct of Life, publiée en 1860, n’était cependant guère, à première vue, l’espèce de pronunciamiento qu’il eut fallu à cette époque de guerre civile. Ses conférences sur « la Destinée », « la Richesse », « la Culture », « l’Honneur », et autres sujets d’ordre général et anodin en apparence, ne contribuèrent pourtant pas peu au