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Trouées dans les Novales

plein d’obscurité, où se reconnaît cependant la lingerie d’un vaste lit surélevé dans lequel une malade est calée. C’est la mère Levert, moribonde, qui voit dans ses cauchemars et dans ses réveils cruels le fils qu’elle vient de perdre à jamais.

Les yeux de l’homme vont du mort à la malade, avec une expression infiniment triste, de cette tristesse qui ne sait pas si la douleur est plus profonde auprès d’un chevet de maladie ou devant le frêle corps étendu sans mouvement entre les ais de sapin. Il n’a pas une larme. Sa pensée est vide, comme l’abîme où le plongent son deuil et son inquiétude. Il parle machinalement, pour tuer le silence qui l’oppresse :

— Vous avez amené les p’tits gars ? Pauvre Jean ! C’est lui qui les a demandés, comme ça, l’autre nuit ! Il m’a dit : « Papa, si je meurs, tu diras à Bidou,