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PIERRE QUI ROULE

Dans la Nouvelle-Angleterre, la situation des Canadiens immigrés s’était beaucoup améliorée depuis dix ans. La classe instruite, sortie de nos collèges et universités, y affluait. Les médecins franco-canadiens venaient en grand nombre pratiquer leur profession dans un milieu où la population était plus dense et où la supériorité de leurs connaissances leur assurait, non seulement chez leurs compatriotes mais aussi chez les Américains, une clientèle assez fructueuse.

Bon nombre de Canadiens cessaient de travailler dans les manufactures pour se livrer au commerce, aux entreprises de construction, etc., avec un succès bien propre à étonner ceux qui les avaient jusqu’alors considérés comme des êtres inférieurs. Sous l’influence de la classe instruite, les nôtres commençaient à se grouper et à s’affirmer. Des prêtres français et canadiens français avaient suivi le mouvement. Nous n’avions encore ni curés ni paroisses franco-canadiennes ; mais plusieurs paroisses mixtes avaient des vicaires canadiens et l’on se préparait à construire des églises pour l’usage exclusif des nôtres.

Des sociétés Saint-Jean-Baptistes et autres associations à la fois patriotiques et mutualistes surgissaient dans tous les centres un peu nombreux. Elles eurent d’abord pour principal organe le Protecteur Canadien, journal publié par Antoine Moussette et rédigé par l’abbé Druon. C’est dans ce journal que la prose de Quéquienne eut, pour la première fois, les honneurs de la publication.

Un traité de géographie destiné à renseigner la jeune génération américaine avait été feuilleté par Quéquienne qui y avait lu, sur le compte de ses compatriotes, des niaiseries tellement stupides qu’il avait cru devoir s’insurger. Sa protestation indignée avait bien été quelque peu débarbouillée par le père Druon, qui en avait élagué certaines expressions énergiques peu