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PIERRE QUI ROULE

Unis les mœurs pures, les traditions simples et honnêtes de la vie rurale. Leur conduite était exemplaire. Il y avait bien quelques rares et regrettables exceptions, constatées surtout chez des sujets trop hâtivement américanisés ; mais elles, ne faisaient que confirmer la règle générale. On se réunissait souvent le soir pour parler du Canada, chanter des chansons canadiennes, conter des contes canadiens et se livrer à d’autres amusements innocents. Ceux qui n’espéraient plus revoir le pays natal étaient encore très rares. Presque tous se hâtaient d’amasser un pécule pour retourner dans leurs foyers.

Lincoln venait d’être élu président ; les abolitionistes triomphaient, et la guerre civile se préparait au moment où les journaux s’occupaient surtout de la grande joute internationale de pugilat entre John C. Heenan et Thomas Sayers. Le bombardement du fort Sumter éclata — comme plusieurs bombes — au printemps de 1861. Le gouvernement fédéral s’empressa d’enrôler, pour trois mois, des volontaires qui ne devaient faire qu’une seule bouchée de la Confédération présidée par Jeff Davis.

La compagnie recrutée à Woonsocket était commandée par Peter Simpson, surintendant de l’une des manufactures de la ville. Ce capitaine était le fils d’un Canadien dont le père était un Anglais, francisé autant qu’on peut l’être en Canada, qu’on avait connu à Saint-Ours sous le nom de M. Jim Peter Simpson et ses frères avaient été résorbés par l’élément anglo-saxon. Ils ne parlaient plus le français et étaient devenus protestants, en dépit du fait que leur père était catholique et ne parlait pas l’anglais. Nous assimilons parfois, mais il faut, avouer qu’on nous le rend bien.

Trois mois après, la guerre n’était pas encore terminée puisqu’elle devait durer quatre ans. Ce qui restait de la compagnie Simpson revint à Woonsocket,