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PIERRE QUI ROULE

L’histoire du « feu de Saint-Denis » a été magistralement résumée par Benjamin Sulte dans les quelques lignes qui suivent :

« Quelques centaines de Canadiens, armés de fourches, de faulx, de bâtons, et presque sans fusils, résistèrent, six heures durant, à un corps de troupes royales, fort de cinq cents hommes et supporté par de l’artillerie. Abandonnant canons et équipages, le colonel Gore termina la journée par une retraite humiliante. Plus tard, l’armée anglaise reparut à Saint-Denis et brûla le village ; personne n’était là pour lui résister. »

Avant de se remettre en route, Gore avait menacé les patriotes d’un combat à l’arme blanche. C’était précisément ce que ces derniers attendaient avec impatience depuis des heures. Au moment où les soldats mettaient la baïonnette au canon pour s’élancer au pas de course contre la barricade inachevée qui obstruait la route, les patriotes sortirent de la maison en pierre dont le pignon avait été partiellement démoli par le canon, et vinrent les rencontrer. Il y avait parmi cette foule des guerriers dont la seule arme à feu était… un tisonnier.

Ils n’avaient jamais publié le moindre volume de vers ; mais leur noble courage était digne d’inspirer la verve de leur homonyme Stéphane Mallarmé. Ceux qui avaient des fusils redoublèrent de zèle. N’étant plus gênés par l’encombrement et l’étroitesse des fenêtres, ils purent multiplier les coups et tirer presque à bout portant. Devant la menace des fourches et des faulx, les soldats firent volte-face. On les poursuivit jusqu’à la ligne limitrophe de Saint-Ours. Ils s’arrêtèrent alors et firent signe qu’ils se rendaient. Les patriotes se consultèrent.

— « Qui est-ce qui va les nourrir ? dirent-ils. — Nous allons être obligés de retourner chacun chez soi faute