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PIERRE QUI ROULE

qu’ils emploient à intriguer contre leurs collègues trop occupés et trop honorables pour imiter leur cauteleuse obséquiosité. Voilà comment il se fait qu’en dépit du patronage et du népotisme qui se moquent de toutes les Commissions possibles et impossibles, il y a toujours dans le service public une foule de braves gens qui gagnent honnêtement la pitance parcimonieusement octroyée par l’État.

J’invoque ces circonstances atténuantes afin de disculper Quéquienne et son fils auprès de ceux qui seraient tentés de leur demander pourquoi ils ne sont pas restés dans le journalisme. Mais, est-ce qu’on reste dans le journalisme franco-canadien lorsqu’on peut en sortir ? De nos jours, fonder un journal n’est pas une petite affaire. Cela est au-dessus des moyens de celui qui est obligé de gagner sa vie.

Si vous êtes propriétaire d’un journal bien établi, à la bonne heure ! Vous pouvez persister à le diriger à votre manière ; mais si vous n’êtes qu’un simple employé, vous ne savez pas si, du jour au lendemain, on ne vous demandera pas d’écrire contrairement à vos convictions. Or, un homme de cœur ne fait pas cela. S’il a réellement quelque valeur comme homme et comme écrivain, sa plume n’est pas à vendre. Le journal peut changer de propriétaire ; celui qui en a entrepris la publication peut voir les choses sous un angle visuel qui n’est pas toujours conforme à l’intérêt public. Alors, le rédacteur se trouve avoir le choix entre l’apostasie politique et la clé des champs. S’il est digne de tenir une plume, il se trouve par le fait en disponibilité.

Si, lorsqu’il est entré dans le journalisme, Quéquienne eut eu les ressources pécuniaires dont il peut disposer maintenant, il est probable qu’il serait encore à la tête d’un journal prospère et surtout utile à ses concitoyens. Il n’a pas la prétention d’avoir in-