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PIERRE QUI ROULE

les choses ne marchent pas comme nous le souhaiterions. Quéquienne en est arrivé à un tel degré de résignation qu’il ne s’étonne plus de voir les affaires publiques, dans le monde entier, aller constamment de guingois, et qu’il serait très surpris s’il apprenait, par exemple, que la Ligue des Nations a enfin réussi à régler une affaire aussi simple que la mise en vigueur d’un traité de Paix. Il en prend son parti et se console en disant que tout cela est dans l’ordre ; que si tous les peuples ne méritent pas d’être mal gouvernés, tous les mauvais gouvernants méritent les sanglantes représailles dont ils sont les victimes lorsque les grands bouleversements font remonter à la surface la lie des populations exaspérées par l’implacable rapacité des exploiteurs.

La race de Quéquienne ne s’éteindra pas avec lui. Son fils est à la tête d’une famille de six enfants. C’est un garçon studieux qui, comme bien d’autres journalistes, a fini par échouer dans le service civil, mais qui ne s’est pas, pour cela, cru obligé de cesser de cultiver son intelligence. Il a déjà publié, en vers et en prose, plusieurs ouvrages fort appréciés des connaisseurs. Il s’occupe aussi de peinture et se complaît aux recherches historiques.

Tous les fonctionnaires ne sont pas nécessairement des ronds-de-cuir comme ceux qui ont été si bien décrits par Courteline. Malheureusement, ces derniers sont de tous les temps et de tous les pays ; mais il se fait dans les bureaux du gouvernement une énorme quantité de travail qui doit être expédié par quelqu’un. Une bonne partie de ce travail est inutile, admettons-le ; mais la besogne nécessaire est encore très considérable et retombe naturellement sur les employés compétents et consciencieux.

Quant aux autres, les sinécuristes amis des dieux, leur paresse et leur incompétence leur procurent des loisirs