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PIERRE QUI ROULE

Le directeur dont le nom avait remplacé celui de Quéquienne en tête du journal, avait été élu député à l’Assemblée Législative où il prononça un discours qui fut fort admiré. Or, ce discours était un résumé d’une série d’articles écrits par Quéquienne, publiés par la Justice et naturellement attribués au jeune député élu, grâce à l’influence du journal dont on l’avait improvisé directeur. C’était même Quéquienne qui avait préparé le résumé au moyen duquel le futur ministre avait pu traiter une question dont il ne connaissait pas le premier mot.

Les articles de Quéquienne constituaient un réquisitoire contre les compagnies organisées dans le but ostensible de favoriser la colonisation qu’elles entravaient depuis plus d’un demi-siècle. La British American Land Co, entre autres, se moquait des obligations qu’elle avait contractées envers les colons. Elle attendait que le défrichement des terres avoisinantes eût augmenté la valeur de ses propres terrains avant de consentir à les vendre. Quéquienne avait pu constater cela lorsqu’il habitait les Cantons de l’Est.

Le premier-ministre Mercier prononça un discours favorable à la thèse soutenue par la Justice et par son directeur-député ; mais le feu de paille ne dura pas. Les compagnies en faveur desquelles le domaine public a été morcelé sous prétexte de colonisation n’ont jamais été forcées de remplir les conditions de leur contrat.

Durant la saison d’été Quéquienne avait installé sa famille à Notre-Dame de Lévis. Il revenait du banquet, le soir de la Saint-Jean-Baptiste de 1889, et dissimulait son habit de soirée sous un imperméable. Comme il faisait très chaud et que l’avant-pont du bateau passeur était désert, il se tint là pendant la traversée et enleva son manteau. Les passagers étaient presque tous débarqués lorsqu’il crut poser le pied sur