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PIERRE QUI ROULE

journaux hostiles l’occasion de rééditer le fameux quatrain :

« Aux temps barbares d’autrefois,
On attachait les voleurs à la croix ;
Mais les siècles passés ont adouci nos mœurs :
Aujourd’hui, c’est la croix qu’on attache aux voleurs. »

M. Sénécal était devenu co-propriétaire et administrateur du chemin de fer de la Rive Nord. Au cours de l’hiver de 1879-80, il fit poser des rails sur le fleuve, entre le Pied-du-Courant et Longueuil, et établit un service de chemin de fer sur le pont de glace. En sa qualité de rédacteur du Courrier de Montréal, Quéquienne avait été invité à assister à l’inauguration de cette hasardeuse entreprise et partagea avec une foule nombreuse l’honneur de traverser sur le premier train. Il prit part au banquet donné sur la glace, près du quai de Longueuil.

Ces agapes fraternelles le laissèrent d’autant plus froid que les seuls discours qu’on y entendit furent prononcés en anglais. L’auteur canadien-français de cette expérience sans précédent fut couvert de fleurs… de rhétorique ; mais il garda de Conrard le silence prudent. La santé de la presse fut proposée en anglais. M. J.-J. Curran, qui n’était pas journaliste, y répondit dans la même langue. Les représentants des journaux français, n’ayant pas été invités à parler, imitèrent le mutisme de M. Sénécal et de ses amis.

L’auditoire, en majeure partie composé de Canadiens-français, dut s’en retourner plus que jamais convaincu qu’une entreprise franco-canadienne devient forcément anglaise pour peu qu’elle ait quelque chance de réussir. Le service de la ligne ferro-glaciaire dura peu de temps. Une locomotive s’étant payé le luxe d’un plongeon dans une mare avoisinant la ligne, on