Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
PIERRE QUI ROULE

tes, était le parti libéral-conservateur fondé par Lafontaine.

« Depuis, Cartier est disparu de la scène, et son manteau était trop large pour les frêles épaules de ceux qui lui ont succédé. Aujourd’hui, plus je m’examine et plus je m’aperçois que j’ai toujours été libéral. Il arrive bien souvent que les noms des partis sont presque l’antithèse de ce qu’ils sont censés désigner. Est-ce le parti conservateur qui s’est momentanément fait libéral et qui est redevenu tory ? Sont-ce mes opinions à moi qui se sont modifiées ? J’incline à croire que la première de ces suppositions est la plus exacte.

« Dans tous les cas, ce qu’il y a de certain, c’est que mes convictions m’ont invariablement joué le tour de se trouver en conflit avec mes intérêts pécuniaires. Elles ne m’ont laissé que la consolation de pouvoir dire et prouver qu’en politique j’ai toujours su sacrifier mes intérêts matériels à ce que je considérais comme la cause de la justice.

« J’ai connu, depuis, bien des libéraux qui étaient de véritables tories et quelques tories qui étaient de véritables libéraux. Bref, j’en ai vu assez pour me convaincre que la principale plaie de la politique canadienne c’est l’esprit de parti. Qu’il en soit de même dans les autres pays, cela ne rend pas la chose plus consolante. Ces considérations étaient nécessaires pour expliquer l’attitude que je fus amené à prendre plus tard.

« Je dois dire ici que je n’ai jamais été un fervent de la politique. Ce que j’en ai vu dès le début m’avait inspiré trop de dégoût. J’ai dû en faire un peu, malgré moi, à mon corps défendant, mais je n’en ai fait spontanément que dans les grandes occasions, alors que la gravité de la situation était telle que chaque citoyen devait répondre à l’appel de la patrie. Je ne regrette pas ce que j’ai fait, quoique j’aie souvent payé