Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
PIERRE QUI ROULE

sement, ils avaient de graves défauts que les étrangers acquièrent avec une égale facilité.

« Je fis même plus : j’arrivai graduellement à me convaincre que la forme républicaine peut parfois masquer de bien odieuses tyrannies ; que les gouvernants ne sont pas nécessairement parfaits parce qu’ils ont succédé à de grands patriotes, et qu’à tout prendre, notre petit peuple franco-canadien, malgré sa faiblesse numérique, malgré les obstacles apportés dans le passé à la diffusion de l’instruction, malgré la forme monarchique de ses institutions, malgré l’insolent mépris avec lequel on affectait de le traiter, avait encore en lui assez de nerf, assez de vigueur, assez de ressort pour ne pas se laisser entamer et pour marcher fièrement à la conquête de ses destinées.

« À mon retour au Canada, le hasard me mit entre les mains quelques journaux conservateurs qui étaient alors bien faits. J’y vis, plusieurs fois affirmée, une déclaration que j’entendis plus tard répéter de vive voix par l’honorable J.-A. Chapleau, à l’effet que les véritables héritiers des principes des patriotes de 1837 étaient les membres du parti libéral-conservateur.

« La Confédération était virtuellement fondée et devait entrer en vigueur le 1er  juillet 1867. Les deux partis s’étaient donné la main pour l’établir, mais le parti conservateur en avait été le principal artisan. On attendait monts et merveilles de ce régime politique. Le chef réel des conservateurs était alors un Canadien-français, possédant assez de nerf pour faire respecter ses compatriotes et pour mater sir John Macdonald.

« La maladresse et les exagérations de certains chefs libéraux avaient discrédité le parti et, ma foi, je me vis entraîné à croire sincèrement, comme bien d’autres, que le véritable parti libéral, le parti des patrio-