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PIERRE QUI ROULE

« Les orangistes, pris dans leur salle comme dans une souricière, durent, bon gré mal gré, renoncer à leur projet de démonstration insultante. L’édifice fut bloqué par la police, et le maire Beaudry monta seul au troisième étage pour annoncer aux cinq cents enragés, réunis dans leur quartier-général que, pour empêcher la foule de les massacrer, on avait été obligé de les emprisonner provisoirement, et qu’ils ne pourraient sortir qu’un par un, sans costume, sans drapeaux, sans régalia, et sous la sauvegarde de la police.

« Si jamais on a vu des orangistes pas contents, c’étaient bien ceux-là. Au lieu de remercier le maire de sa protection, les plus hardis d’entre eux lui crièrent des injures. Ils l’auraient bien écharpé s’ils l’eussent osé, mais ils n’osèrent pas. Quelques-uns s’en consolèrent en faisant des grimaces à la foule, par les fenêtres, situées à une hauteur qui rendait peu dangereuse cette intelligente manifestation.

« Je me trouvais à la porte donnant sur la rue lorsqu’elle s’ouvrit pour livrer passage à un orangiste que la police devait escorter en dehors de ce guêpier. D’autres voulaient le suivre ; on les arrêta et M. W. H. Gault, un échevin protestant, entreprit de les calmer au moyen du raisonnement. Mal lui en prit. La porte qui s’était refermée se rouvrit subitement et un orangiste le frappa sur la tête avec une latte qui se brisa du coup, sans lui faire beaucoup de mal.

« À mesure qu’un orangiste sortait, la police écartait la foule et on installait l’individu dans une voiture. À côté du cocher, un homme de police, ayant à la main une carabine chargée, le chien armé, le doigt sur la détente, se tenait prêt à défendre son prisonnier. Malgré ces précautions, quelques orangistes, trop exaltés, pour s’abstenir d’injurier la foule, furent arrachés de leur voiture et battus comme plâtre. C’est merveille que pas un seul n’ait été tué.