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PIERRE QUI ROULE

« Aux Laurentides, j’avais publié une série d’articles sur l’anglomanie. Je continuai, dans la Gazette de Joliette, à combattre cette funeste tendance, avec autant de vigueur que si j’eusse conservé mes premières illusions au sujet de l’influence que peuvent exercer les articles de journaux sur les travers de la société.

« L’incident du drapeau des Zouaves, l’affaire d’Oka, le meurtre de Hackett, l’hypocrisie des orangistes ultra-loyaux, les phrases vicieuses et les anglicismes qui déparaient alors comme aujourd’hui notre langage écrit, le fanatisme, ses causes et ses remèdes : voilà autant de questions qui me fournirent mes principaux sujets d’articles à l’époque où, dans les comtés de l’Assomption et de Joliette, j’en étais encore à ma période de dentition journalistique.

« Un procès retentissant provoqué par les rivalités politiques, ayant, pendant trois semaines, absorbé toutes les séances de la cour criminelle, siégeant à Joliette, je le rapportai in extenso pour la Gazette au moyen de la sténographie Duployé.

« J’avais beaucoup pratiqué ce système en sténographiant sous la dictée d’un lecteur de bonne volonté. J’avais cependant négligé la lecture et je perdais à me relire une partie du temps que j’avais gagné en écrivant. Un jour, on résolut d’utiliser mes services comme sténographe officiel. J’acceptai avec répugnance et tout alla bien jusqu’au moment où l’on me demanda de chercher dans mes notes certaine partie du témoignage, perdue sous un amoncellement de feuillets.

« Je réussis à la trouver, mais cela prit beaucoup de temps, et l’un des avocats engagea avec le juge une conversation en anglais au sujet de mon incompétence. L’idée que je pouvais savoir l’anglais ne leur était pas venue, ou bien ils avaient dû la repousser comme étant tout-à-fait invraisemblable. Je trouvai cela si drôle que je résistai au désir de leur prouver que, si je lisais