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PIERRE QUI ROULE

Bélanger, un conservateur des plus distingués, mais qui avait l’impardonnable tort d’être Canadien-français.

« Je ne tardai pas à constater que nos compatriotes fixés depuis un certain temps dans les Cantons de l’Est étaient beaucoup plus anglicisés que ceux de la Nouvelle-Angleterre n’étaient yankéfiés.

« Je m’étais aperçu que, chez nos compatriotes des États-Unis, la classe instruite réagissait avec succès contre cette funeste tendance, et je caressai longtemps l’illusion que la même réaction se faisait au Canada. Le ton patriotique des journaux de la région m’entretenait dans cette trompeuse espérance. Je me figurais que ceux qui inspiraient ou écrivaient ces colonnes débordantes de patriotisme franco-canadien devaient être les premiers à donner l’exemple de la fidélité aux vieilles traditions.

« Je croyais que les chefs franco-canadiens du parti conservateur étaient d’incorruptibles défenseurs des droits de notre race. Quelques discours que j’avais entendus et un grand nombre d’articles élogieux publiés dans les feuilles à leur dévotion me les avaient fait prendre pour des sentinelles vigilantes, toujours à leur poste et prêtes à s’imposer tous les sacrifices personnels dans l’intérêt de leur nationalité. Hélas ! je les ai vus depuis à l’œuvre et à l’épreuve.

« Leurs adversaires y ont passé à leur tour et, j’ai honte de le dire, mais c’est malheureusement trop vrai : En Canada, c’est d’en haut que part le funeste exemple de l’aplatissement des nôtres devant les éléments hostiles, qui ont juré d’écraser notre race et qui préludent en proscrivant notre langue des provinces ouvertes à la civilisation par nos trappeurs canadiens.

« Lors de mon premier séjour dans les Cantons de l’Est, je rencontrai plusieurs fois au bureau du Pionnier de Sherbrooke, feu Auguste Béchard qui, vers 1873, passa quelque temps à la rédaction de ce journal.