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PIERRE QUI ROULE

moins dans les limites de la province de Québec. Celui qui aurait entrepris alors de me détromper sur ce point aurait eu fort à faire, et s’il y fut parvenu j’aurais certainement hésité avant de sauter de la poêle à frire de l’Oncle Sam dans le brasier de John Bull.

« Le destin voulait que je perdisse mes illusions les unes après les autres, et les Cantons du district de St-François étaient alors dans les meilleures conditions possibles pour dissiper toutes mes fausses impressions à ce sujet. Nos compatriotes d’origine française y jouaient un rôle pour le moins aussi effacé que dans les centres manufacturiers de la Nouvelle-Angleterre. Depuis lors, l’influence française a gagné du terrain, tant dans les Cantons de l’Est que dans les États de la Nouvelle-Angleterre, mais ses progrès ont été plus sensibles dans cette dernière région que dans l’autre.

« Malheureusement, dans toute l’étendue de la Confédération canadienne, elle a depuis lors diminué au point qu’elle est aujourd’hui considérée comme quantité négligeable.

« Dans le comté de Compton, où je m’étais d’abord établi, la plupart des électeurs anglo-saxons, qui formaient alors l’immense majorité, ne se donnaient même pas la peine de dissimuler le mépris que leur inspiraient ces descendants de Français, qu’ils considéraient comme une race de parias et dont la présence sur le sol canadien leur semblait une intrusion. Ce qui les étonnait le plus c’était qu’on n’eut pas massacré ou déporté tous les rejetons des fondateurs du pays.

« La plupart de ces francophobes, orangistes et loyalistes, originaires du nord de l’Irlande ou fils de Yankees traîtres à leur nationalité, étaient maintenus dans l’ornière de leurs étroits préjugés par quelques journaux fondés dans l’unique but de leur raconter précisément ce qu’ils voulaient qu’on leur racontât, et rien autre chose. De leur côté, les prédicants entrete-