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lors, les 60,000 Français de 1763 sont devenus les trois millions d’aujourd’hui.

Le Canadien a donc gardé sa langue maternelle.

Pour la conserver, le peuple a prolongé des luttes sans cesse reprises, et les batailles qu’il a livrées appartiennent à l’Histoire — pardon, à l’Épopée. Lutter sans donner tout son être à la cause qu’on aime, c’est perdre la bataille avant de l’engager. Demandez-le aux vrais héros du patriotisme, dans toutes les nations ; demandez-leur ce qui les soutenait dans leurs fatigues. Ils répondront : « Ce qui rendit pour nous l’angoisse moins terrible, ce qui porta nos cœurs vers l’ultime triomphe, ce fut l’Âme de la Patrie. » Car elle est universelle, cette âme, chez les peuples destinés à survivre. Elle se forme de mille et une choses, petites ou grandes, qui fleurissent, qui embaument, qui s’agitent autour de nous, et qui se cristallisent dans une pensée commune, dans un même idéal que tous cherchent à réaliser.

Avec le retour de Champlain en 1633, s’ouvre l’horizon de plus en plus reculé, toujours, vers lequel une aspiration collective se porte. La France nouvelle est fondée. Elle croit, elle pense, elle agit. Lorsque Dollard des Ormeaux dépasse le sublime effort des Thermopyles, au fortin du Long-Saut, il porte dans son cœur l’espoir de la Patrie. Madeleine de