Page:Tremblay - Nos lettres, 1921.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

me nous empêche de reconnaître une grande vérité, celle-ci : l’œuvre d’art honore plus la nation que l’artiste. Lisons pour comprendre. Le triage sera vite fait parmi les œuvres meilleures. Comprendre, c’est égaler, dit-on couramment. Comprendre, c’est admirer, surtout, et le lecteur instruit, cuirassé de courage contre l’ambiance désagrégeante que d’ordinaire un éclectisme mal étayé provoque chez les nôtres, pourra rompre d’un mot la plus dure entrave de notre littérature, le snobisme. L’honnêteté judicieuse de ce lecteur saura voir le mérite là où il se révèle, et elle pourra crier aux foules « Voilà un chef-d’œuvre ! » même si ce chef-d’œuvre est canadien.

L’avenir de notre littérature, le chef-d’œuvre attendu — il existe peut-être chez nous, mais nous ne pouvons pas l’embrasser dans son ensemble tant il nous touche de près — tout cela est à l’état de puissance dans le public. Pour que nos lettres se développent, il faut des lecteurs généreux, au sens étymologique du mot. Somme toute le grand homme, le grand écrivain est la résultante des aspirations de la masse vers un idéal supérieur — c’est lui qui prononce le mot que tous ont sur les lèvres. Voilà pourquoi la littérature exprime l’âme d’un peuple.

Faites confiance à nos artistes de la plume. Savez-vous si demain l’Europe ne vous repro-