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quand même de la famille si leur cœur vague à l’étranger ou dans les problèmes de la philosophie. Plus tard ils se rapatrieront, comme le voyageur accourt à l’humble toit de chaume où vivent ses parents. Sans doute la poésie du Canada français n’est pas à l’apogée de sa vigueur. Mais ne nous faisons pas plus sévères que l’Académie française, admettons qu’elle a produit, cette poésie, des œuvres remarquables et dignes de louange ; reconnaissons que les hommages venus d’Europe valent au moins tout autant qu’une critique négative, et disons-nous que nos poètes, eux aussi, ont bien représenté l’âme de la Patrie.

L’état présent de nos lettres promet-il une œuvre maîtresse toute prochaine ? Au risque de touiller cruellement le foie des petits-maîtres, nous soutenons pour notre part que la terre canadienne, génitrice heureuse d’idées et de poèmes, peut et doit produire un chef-d’œuvre, conséquence d’une préparation tenace, longue, consciente. Dans notre histoire, chaque génération littéraire annonce un progrès, déterminé, sur l’ascendance. L’art est plus précis depuis vingt ans. Il se fait plus soigneux, plus humain, plus intime. L’écrivain, surpris de distinguer nettement derrière lui une perspective bibliographique estimable — de longtemps la myopie critique l’avait occultée — comprend mieux maintenant