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LE CRI DU NOURRICIER

Elle admire en secret l’épuisement vainqueur
Qui donne le triomphe aux droitures du cœur.
J’épelle constamment les secrets de la terre
Pour assurer aux miens la vigueur salutaire ;
J’épands les blés jaunis, comme un immense émail
Où le Seigneur écrit : « La paix soit au travail ! »
J’alimente la vie autour de ma campagne,
Et jusqu’à vos banquets aux menus de Cocagne,
Je porte le trop-plein de ma fécondité,
Et raffermis l’espoir en la fraternité.
Je grandis mon pays en m’exaltant moi-même,
Et je monte plus haut vers l’idéal que j’aime,
En déchirant l’humus où se cache un trésor,
Afin que sous ma bêche il jaillisse de l’or.
Ah ! vous ne savez pas ce que vaut une fable,
Quand vous vous attardez insolemment à table
Et laissez l’indigence achever de mourir
Au pied de vos balcons lassés de voir souffrir.
Vous ne comprenez pas que la pitié des hommes
Est un devoir auguste, à l’étage où nous sommes.