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L’AMOUR DU SOL

Mes plaisirs ? Je les ai sous l’ombre des grands bois,
Et je les comprends mieux lorsque seul je les vois.
Un rayon d’or s’y glisse et fait des verrières
À travers les rameaux qui bordent les clairières.
J’ai des temples de marbre où Dieu vient me parler
Sans gagiste envieux qui cherche à me troubler.
Les rochers de granit, les antres de porphyre,
Lorsque j’y vais prier, à Dieu peuvent suffire,
Si mon âme est sincère et si je crois en Lui.
Ma science ? Elle est là. Chaque étoile qui luit,
Et tout ce qui m’entoure, expliquent ma richesse.
Je n’ai pas de spectacle, hors celui de l’espèce.
On me dit ignorant, chez les civilisés.
Je compte moins d’espoirs et de rêves brisés
Que tous vos fainéants saturés d’espérances.
Je médite parfois sur leurs molles souffrances,
Sur leurs déchirements, sur leurs larmes du cœur,
Et je ris de les voir couler des yeux moqueurs
Vers ma rusticité, trop souvent bénévole.
Le paysan travaille et la colombe vole ;