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LES FERMENTS

C’est Dieu, c’est la Nature, et c’est l’ordre des mondes,
Qui versent dans le pré l’or de mes perles blondes.
Un hasard m’a fait naître au regard des humains,
Et j’ai mis l’avenir en leurs fébriles mains.
Je surgis de la mort et je produis la vie,
Pour que jamais la faim demeure inassouvie
Chez les êtres égaux voués au même sort.
C’est pour l’égalité que des javelles sort
Le fluide qui passe en l’orbe des planètes,
Et que n’attire pas l’éclair des baïonnettes.
Je contiens tout le sang des cœurs miraculeux,
Et mes ferments sont nés dans l’âme des aïeux,
Afin que la fierté des fécondes jeunesses,
En qui le juste voit les fougues vengeresses,
Abatte les abus sans cesse renaissants,
Comme une ivraie éparse aux toxiques puissants,
Qui soude à mes côtés son écaille hypocrite.
La fausseté, partout, cherche un Bien qui l’abrite :
Le vice en ma douceur invente un vitriol,
Et transforme mes sucs en poisons d’alcool.