L’homme se sent plus libre et plus digne de vivre,
En moissonnant aux champs un plein air qui le cuivre,
Avec les blés fauchés qui tombent en réseaux,
Dorant les chaumes drus et striant les houseaux.
Les moissonneurs, cherchant l’abri des grandes meules,
Prennent un franc repas couchés dans les éteules.
Le pain est bon qu’on mange après l’avoir gagné
Sur le terrain qu’on a pour soi-même imprégné
De peines et d’espoirs inconnus à la ville,
Où l’esclavage est dur et la pitance vile ;
Il recèle en sa fleur les puissances du temps,
Car il a combattu le givre et les autans ;
Sa victoire, infusée au sang de l’homme grave,
Coule jusqu’à son âme, et largement s’y grave,
Comme un tracé d’eau-forte attaquant le métal ;
Il fait jaillir l’idée au delà du frontal
En reculant les horizons de la croyance,
Et donne aux bras fourbus des gestes de vaillance,
Pour semer et gerber la vie en floraison,
Qui fait la main robuste et saine la raison.
Page:Tremblay - Les ferments, 1917.djvu/36
Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
LES FERMENTS