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Il n’est pas une branche, il n’est pas une source
Dont la feuille en murmure, ou l’onde en clapotis,
Ne prononce le nom de ceux qui sont partis,
Et dont nous reprenons l’irréductible course.

L’humus retient encor la trace de leurs pas,
Sur les monts verts de chêne et les fonds de mélèze ;
Et je me sens partout l’âme et le front à l’aise,
En répétant leurs mots, qu’ils ne cédèrent pas.

Lorsque le soir étend ses feux myriadaires,
Sur les toits endormis des colons fatigués,
J’entends les vieux refrains qui passaient grand-largués,
Sous le même azur vierge, en des temps légendaires.

C’est le même soleil qui darde ses rayons
Sur la jachère brune et les blés de ma ferme,
Et tout ce froment d’or que la terre m’afferme,
Connut la rude main d’ancêtres en sayons.

Qu’importent la patine et l’oubli des années !
Les villes ont couvert les forêts de jadis,
Sans pouvoir étouffer la croissance des lis,
Qui montrent en tous lieux leurs pousses obstinées.