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LA SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA

reconnut l’oiseau, le retourna, et le rejetant coléreusement dans la mare, s’écria :

J’sava bin, itou, qu’y’ava teuq’chose. C’te damnée poul’ là, c’t’in coq.

Et il s’en alla, sans voir des traces fraîches de pas. En cheminant vers la demeure de sa vieille tante, il aperçut Salvaye et plusieurs autres villageois riant et dansant, l’interpellant :

Pitro, as-tu vendu la Poule Noère ?

Pitro, t’as dé cornes.

Pitro, tu sens l’soufre.

Pitro, té pâ créquin.

Et les hommes vociféraient, ne pouvant se retenir. Pitro resta un mois sans se montrer, subissant en silence les reproches de sa tante, qui avait passé la nuit à l’attendre en pleurant. Le dimanche, il entrait après tout le monde à l’église, et sortait piteusement le premier, dès l’Ite Missa Est. Il s’apprivoisa tout de même, et revint chez les habitants siffler les danses, mais sitôt qu’on parlait en sa présence des mines d’or, des contes de fées, ou du Grand Albert, il baissait la tête. Quelqu’un lui demandant un soir s’il avait déjà vendu la Poule Noire, Pitro, maussade, pensa tout haut :

C’t’égal, si ç’ava pâs été in coq !