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et l’absence totale d’hygiène. Pour sa part surtout, le Père Telmon, de la mission oblate établie rue Saint-Patrice, comprenait le danger social de Bytown, et il désirait ardemment une réforme, qu’il ne pouvait pas poursuivre seul. Ses représentations aux autorités sont navrantes. Leur effet ne tarde pas, cependant, car dès l’automne de cette année 1844, le Coadjuteur de Kingston, Mgr Phelan, se rend à Montréal chez les Sœurs Grises, et demande des religieuses pour enseigner les enfants, civiliser les parents, et soigner les malades. L’entreprise n’est pas des plus encourageantes. Il faut des abnégations résolues, des volontés fermes, des vocations évidentes. Pour les trouver, Mgr de Régiopolis prend le chemin le plus court, celui de la vérité claire et nue : il explique franchement les difficultés et les épreuves immensurables qui attendent les volontaires. Il n’y a pas d’argent, pas de logement convenable ; il n’y a guère de familles bien disposées en dehors de la Basse-Ville et, par-dessus tout, la police est nulle. Comme salaire, le prélat offre la misère, et l’ingratitude probable des soulagés. Ces promesses suffisent, et toutes les béguines veulent embrasser l’apostolat nouveau. Il faut tout de même faire un choix, et les sœurs Bruyère, Thibodeau, Charlebois et Howard s’inscrivent sans hésiter pour la passion difficultueuse qui ouvre devant elles ses avenues de souffrance.

Le 19 février 1845, cinq mois plus tard, les quatre religieuses quittaient Montréal pour Bytown sous la conduite du Père Telmon. Elles avaient passé la journée précédente en prières, et le matin même de leur départ, elles avaient demandé à la communion la force qui vient du Ciel. Aux petites heures, elles étaient déjà en route.

Que dire du voyage ! Ne songeons pas au chemin de fer : il est encore à l’état de projet lorsque les missionnaires partent. L’hiver était changeant. Une journée de froid intense suivait une journée d’averses torrentielles. Les routes étaient défoncées. La boue se mêlait avec la neige. Les ornières buvaient littéralement les roues et les patins. Les baissières se transformaient en lacs et cachaient mille dangers.

Après trente-quatre heures de roulis et de tangage dans leur voiture hippomobile, les voyageuses arrivaient à la hauteur des