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Il y a du mystère dans cette aventure financière entreprise sans argent. Deux sœurs faisaient la classe, à raison de cinquante sous par mois, quant aux élèves dont les parents étaient assez riches pour payer ; une autre sœur enseignait la couture ; on faisait les ornements destinés aux églises, des cierges, des hosties ; on prenait de l’ouvrage pour les fournisseurs des chantiers ; on faisait des quêtes avec les dames de Bytown ; on blanchissait et on raccommodait la lingerie d’autel. Bref, nous assurent les Annales, l’année 1846 s’ouvrait avec une recette de $3222.56 et un déboursé de $2917.04, laissant un surplus de $305.52. Quelle administration laïque en eût fait autant dans les mêmes conditions ?

Nous n’avons pas l’intention de suivre pas à pas la croissance de l’hôpital. Nous voulons surtout faire connaître les beaux événements de sa vie intime. Nous passerons donc l’année 1846, pour entrer dans une période désormais historique au Canada, 1847. Bytown vient de recevoir sa charte de ville. En même temps l’épidémie de typhus éclate. Les Sœurs admettent cette année-là 573 patients. Les premiers arrivent mourants, et 185 succombent. Tour à tour sont encombrés l’hôpital, la petite habitation contiguë, les maisons voisines, le couvent même. Alors les religieuses obtiennent de faire dresser des tentes dans la cour de la communauté. Cela ne suffit pas. L’agence des immigrés construit un hôpital en bois, rue Bolton (maintenant rue Water), à gauche de l’hôpital actuel, là même où se trouvent aujourd’hui les dépendances de la Maison-Mère. La très grosse part du travail hospitalier est dévolue aux Sœurs, et les gens à cœur fermé qui les voient besogner sans relâche, les accusent de faire « une belle affaire financière ». Les « gros profits » des sœurs méritent d’être examinés avec soin. Nous savons que la petite école rapportait certaines mensualités. Or, pendant l’épidémie, l’école fut fermée et les recettes de ce chef disparurent. Toutes les sœurs furent malades, tous les travaux productifs furent interrompus, et il fallut quand même renouveler souvent la lingerie et la literie. On nourrit les malades à l’aide des provisions volontairement offertes par des personnes plus charitables que riches, et l’on s’en remit au bon hasard de la Providence pour le reste.