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Chorale, et qui ont abrité le cloître du Précieux-Sang, sont les bâtiments, restaurés, où les Sœurs Grises passèrent les premières années de leur séjour ici.

Ceux qui réclament le pittoresque dans toutes les actions des religieuses fondatrices, sont un peu trompés s’ils le cherchent dans l’installation même des sœurs chez elles. Ces hospitalières sont comme les autres femmes. On imagine en vain l’auréole sur leur front, ou la dévotion ostentatoire que le public semble désirer pour les débuts de toute œuvre de charité. Le premier repas des Sœurs Grises nous fait penser aux déménagements traditionnels de mai. Une porte abandonnée sert de table ; des chevalets de menuisier la soutiennent. C’est là la partie visible des commencements. Cependant, la vie intérieure intense de ces âmes d’élite échappe à l’analyse.

Avant d’étudier en détail l’évolution si intéressante de l’hôpital, demandons-nous ce qu’étaient les deux esprits dirigeants du petit groupe monastique.

Pour comprendre un peu la mentalité de ces deux femmes, il n’est qu’un moyen : attribuer à la foi religieuse intense, à la vocation acceptée, la force de caractère et la grandeur d’âme qui se constatent dans chaque page de leur biographie. Élisabeth Bruyère naquit à l’Assomption le 19 mars 1818. Douée d’une intelligence précoce, elle fut attentive à ses études, et de bonne heure orpheline, fut confiée à des cousines maternelles qui soignèrent chrétiennement son éducation. Après quelques années d’enseignement, elle entra au noviciat des Sœurs Grises de Montréal, le 4 juin 1839, et prononça ses vœux le 31 mai 1841.

Ce qui domine le Moi de cette religieuse, c’est la rectitude, la sûreté du jugement, et l’absolu de la croyance. Pour elle, l’obstacle n’existe pas. Un trait marqua cet aspect de sa confiance en Dieu. Une religieuse moribonde était terrorisée par la perspective de l’éternité. Comme disent les Annales, l’agonisante en butte à une tentation de désespérance ; ses traits livides accusaient une angoisse intérieure indicible ; ses yeux révélaient une crainte voisine de la peur. Soudain, dans un geste désolé, elle montre à la Supérieure ses mains grandes ouvertes, en criant d’un accent intraduisible : « Vides, ma mère, vides ! »