Page:Tremblay - Arômes du terroir, 1918.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
ARÔMES DU TERROIR

Il n’a pas de torrents, pas de glaciers farouches,
Pour rompre les chemins sous l’essieu des barouches,
Ni, pour être célèbre, un lyrique vallon
Où vient, le front nimbé, soupirer un poète,
Qui cherche le silence et la rime inquiète,
En livrant aux zéphyrs sa tête d’Absalon ;
Son luth ne chante pas les fastes de l’Histoire,
Mais il se réjouit dans la fougue aratoire
Qui dresse, tous les ans, des moyettes de blé
Sur les chaumes tordus par le trésor des gerbes ;
Il fait sa poésie avec l’or des proverbes,
Quand le grenier vieux est rempli.

Il n’a jamais connu l’immensité des fleuves
Qui portent bruyamment les humaines épreuves,
Des paradis perdus aux enfers retrouvés ;
Mais son calme ruisseau s’égare dans la plaine,
Et pose les ferments dont sa langueur est pleine,
Sur les champs qu’il arrose et qu’il a rénovés ;
Dans son unique rue où tient tout son royaume,
Il sait tous les bonheurs que le printemps embaume,
Avec le coloris des flores sur le vert,
Des plumages sur l’aile, et des feux sur les ondes ;
Il sait tous les berceaux où sont les têtes blondes
Qui viennent consoler l’hiver.