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ANTHROPOLOGIE


Outre cette première sélection, il en est une autre, la sélection sexuelle, comme l’appelle Darwin ; ici il s’agit du succès que les individus les mieux doués remportent sur les autres de même sexe, relativement à la propagation de l’espèce ; c’est là un nouveau triage, qui rend le fait de la reproduction de l’individu un droit souvent acquis au prix de qualités qui se transmettent à la progéniture par le fait même de cette sélection. Par la répétition du triage, ces qualités s’accusent et s’exagèrent de plus en plus, au point de constituer des variétés qui s’écartent progressivement du type primitif, pour constituer définitivement un type nouveau.

L’étude de ce qui se passe encore actuellement sous nos yeux, chez les animaux, a permis de dégager ces lois qui, tout porte à le croire, s’appliquaient, dans le principe, à l’homme lui même. C’est là, en substance, la fameuse théorie du transformisme qui, poussée à l’extrême ne tendrait à rien moins qu’à faire dériver toutes les espèces actuellement vivantes, ainsi que toutes celles qui ont été détruites et que la géologie nous révèle, d’un organisme élémentaire primitif.

Ces spéculations, si hardies et si ingénieuses qu’elles soient, n’ont rien à voir avec notre sujet, non plus que l’opinion qui veut faire descendre l’espèce humaine de quelque être inférieur.

Mais, sans accepter toutes ces déductions hâtives et prématurées, il faut bien reconnaître que la théorie du transformisme, et les lois de la sélection qu’elle proclame, sont une véritable conquête de la biologie, et que cet mêmes lois, dépouillées de ce qu’elles ont d’excessif, s’appliquent encore à l’histoire actuelle de l’humanité dont elles expliquent l’évolution graduelle, et dont elles consacrent, en quelque sorte, la tendance instinctive et irrésistible vers le progrès. Loin donc de constituer une doctrine humiliante, cette théorie affirme au contraire la supériorité et l’excellence de l’homme, en montrant par mille preuves qu’il n’est devenu ce qu’il est que par une lutte incessante, et que ce n’est qu’au prix de semblables combats qu’il maintiendra et accroîtra l’héritage transmis par ses ancêtres. C’est là une vérité que l’étude de l’histoire de l’homme que nous allons maintenant esquisser mettra dans tout son jour. L’espèce humaine a une existence beaucoup plus reculée que celle qu’on était convenu de lui assigner. Cuvier, grand partisan de l’origine récente de l’homme, ne la faisait pas remonter au delà de la période géologique actuelle ; mais la science contemporaine a pu exhumer des produits de l’industrie primitive et des ossements qui reculent singulièrement cette chronologie originelle de l’homme. Notre espèce a déjà existé lors de la période quaternaire et elle a été contemporaine des grandes espèces fossiles aujourd’hui éteintes qui, à cette époque, couvraient la surface du globe. Cette humanité antérieure à l’humanité actuelle avait son industrie.