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l’anonymat de l’univers. Tu n’as fait que comme l’araignée, comme le léopard, comme l’oxyde, comme la plante vampire. Quand comprendras-tu que tu ne leur es pas supérieur et que, si ceux-ci obéissent à un instinct biologique, toi, tu t’es sacrifié à tes idoles ? Elles ne se sont pas contentées de te faire souffrir en ton corps. Les pensées, les désirs, les souvenirs, les remords, les appréhensions, les angoisses viennent parfois te terrasser. Tu l’as voulu !

« Aimes-tu ton voisin ? Aimes-tu ton frère ? Où finit ton voisinage ? Lorsque tu passais, au fil des rails, dans la campagne inconnue, as-tu songé que ce laboureur presque indistinct était ton frère et que ses pères avaient été autrefois les compagnons de route des tiens ? Lui as-tu envoyé, par la portière, ton salut d’amour ? Tu as voulu la mort et le remords. »

Je suis seul. On danse, rit, aime et boit sur les boulevards, dans les bars, dans les bas-fonds et derrière les rideaux des maisons closes. Je suis perdu dans le tragique universel. Sous ma fenêtre, un ivrogne chante. Aurait-il entrevu, comme moi, l’ironique chaos du monde et la fourmilière incohérente des êtres accrochés à la terre ?