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On l’a assassiné pour mieux le ligotter. Lorsqu’il s’est ressaisi, il était trop tard : il avait perdu tout son sang. On le vainc facilement aujourd’hui. Qu’il s’en souvienne !

Il y a dix ans, une population de cent millions de civilisés râlait sous le knout et s’empoisonnait d’alcool, denrée nationale et politique ! Les bagnes étaient pleins de martyrs — les intellectuels d’Europe durent protester à maintes reprises —, on rencontrait à chaque carrefour l’immobile loque de chair d’un pendu. Il y a dix ans un vagabond, un va-nu-pieds, qui avait appris à lire et à écrire tout seul, Maxime Gorki, l’Amer, chantait l’hymne de la révolution :

« Sur les blanches plaines de la mer, le vent assemble les nuages. Entre les nuages et la mer, l’Annonciateur des tempêtes plane fièrement, semblable à un éclair noir… La tempête ! Elle grondera bientôt, la tempête ?… »

L’Annonciateur est venu, la tempête gronde. Un peuple de cent millions d’âmes ressuscite sur des cadavres et des ruines fumantes. Mais sont-ils encore cent millions, les moujiks ? Est-ce cela vraiment que veulent les grands hommes politiques du monde ?

Non ! non ! des remèdes ! ou bien faut-il souhaiter que la terre se désorbite et aille se perdre dans les infinis glacés, loin des soleils, pour y mourir !