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grandes joies souvent, jeunes gens : les miracles de la biologie, les féeries de la chimie, les abîmes des calculs, la poésie de l’astronomie, les symphonies verbales et le coloris de la philologie, la divinité d’un philosophe, les fresques et les leçons durables de l’histoire… que sais-je encore ? Vous devez être bien heureux et, pardonnez-moi, je vous envie un peu ! Ce soir, quelqu’un a oublié chez moi son cours d’analyse, je le feuillette — je crois que je suis assez bien équilibré, que je ne manque pas tout à fait d’intelligence — et je me trouve là, devant les textes et les formules, comme un petit enfant qui ne sait rien de rien, et je suis triste à pleurer !…

Ne me tenez donc pas en défiance, jeunes gens, je vous en supplie. C’est un frère qui vous écrit et ce frère sait ce que vous valez et il vous aime. Pour ces joies que vous vous procurez ou qu’un professeur vous donne, soyez reconnaissants envers la vie et la société. Savez-vous que tout un peuple a les yeux sur vous ? Savez-vous tout le prestige que vous exercez sur lui ? Savez-vous que ce peuple souffre et que vous pouvez le sauver ? Car vous serez les cerveaux de demain : des juges, des avocats, des industriels, des ingénieurs, des médecins, des professeurs.

Voici quelques mois déjà que j’écris dans ce journal des articles de bonne volonté. Je n’ai jamais eu une parole de haine — car je n’ai jamais su haïr, en dépit de la prison — et si j’ai lâché parfois un mot un peu dur dans un moment de défaillance, j’en suis bien contrit, croyez-moi, parce que la haine n’a jamais servi de rien. Je le répète, il m’est permis de vous écrire comme je vais le faire.