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crois, démontré pour tout homme qui ne préfère pas l’esprit captieux et faux de la passion et de la chicane au pur et simple bon sens, je vais esquisser le plan de la défense de M. Luneau : il tronquera quelques uns de mes raisonnements ; il se jettera à perte d’haleine dans des détails aussi hasardés que superflus sur les profits du libraire ; il nous donnera le modèle de l’inquisition civile la plus odieuse ; il associera, comme il n’a pas rougi de le faire, le titre honnête de littérateur au rôle équivoque de délateur : il entassera derechef personnalités sur personnalités ; il brouillera deux affaires qui n’ont rien de commun ; mais il ne répondra rien de net et de précis, parce qu’il est plus commode de blesser, d’ignorance ou de projet, la justice et les lois de la manière la plus criante, par l’attentat juridique le plus révoltant sur la propriété, sans laquelle il n’y a ni justice, ni lois.

S’il était permis d’attaquer les citoyens avec les armes qu’il emploie, je n’en connais aucun qui pût se promettre la jouissance tranquille de son état, aucun qui ne pût être spolié de la fortune la plus légitimement acquise. Il ne nous resterait qu’à passer de nos maisons dans la rue, et qu’à en abandonner les clés au premier venu à qui il prendrait en fantaisie de disputer notre domicile. Pour mettre le comble au désordre et à la rapacité, on n’aurait qu’à récompenser d’une portion de notre dépouille cette espèce de scrutateurs de nos foyers dont on peut lire l’origine et les forfaits dans Tacite, et que la sagesse du ministère et des magistrats saura sans doute arrêter et punir. Je me garderai bien de ranger M. Luneau dans la classe de cette race détestable ; mais je crois que le ressentiment l’aveugle sur les suites funestes de l’exemple qu’il donne.

Je proteste que, si les hommes honnêtes et sensés que