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riage, à moins qu’il n’apporte de bonnes raisons pour sa deffense.

Un mari qui veut se séparer de sa femme, ne manque pas non plus de pretextes à son tour ; neantmoins la chose n’est pas si aisée parmi les Turcs que l’on s’imagine. Non seulement le mari est obligé d’asseurer le doüaire à sa femme pour le reste de ses jours ; mais supposé que par un retour de tendresse il veüille la reprendre, il est condamné à la laisser coucher pendant 24. heures avec tel homme qu’il juge à propos ; il choisit ordinairement celui de ses amis qu’il connoît le plus discret ; quelquefois aussi il prend le premier venu ; mais on asseure qu’il arrive souvent que certaines femmes, qui se trouvent bien de ce changement, ne veulent plus revenir avec leurs premiers maris. Cela ne se pratique qu’à l’égard des femmes qu’on a épousées. Il est permis aux Turcs d’en entretenir de deux autres sortes ; savoir celles que l’on prend à pension, et des esclaves. On épouse les premieres, on loüe les secondes, et on achette les dernieres.

Quand on veut épouser une fille dans les formes, on s’adresse aux parens et l’on signe les articles, aprés être convenu de tout en presence du Cadi et de deux témoins. Ce ne sont pas les pere et mere qui dottent la fille, c’est le mari : ainsi quand on a reglé le doüaire, le Cadi délivre aux parties la copie de leur contract de mariage : la fille de son côté n’apporte que son trousseau. En attendant le jour des noces, l’époux fait benir son mariage par le Curé ; et pour s’attirer les graces du ciel, il distribue les aumônes et donne la liberté à quelques esclaves. Le jour des noces la fille monte à cheval couverte d’un grand voile et se promene par les ruës sous un dais, accompagnée de plusieurs femmes et de quelques esclaves, suivant la qualité du mari ; les joüeurs et les joüeuses d’instrumens sont