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baignent jamais avec les femmes, et on y observe tant de modestie, qu’une personne seroit admonêtée si elle avoit laissé voir quelque chose par mégarde, et bâtonnée si elle l’avoit fait à dessein. Il y a des bains qui servent le matin pour l’usage des hommes, et l’aprés midi pour celui des femmes : quelques autres sont fréquentez un jour de la semaine par des personnes d’un sexe, et l’autre jour par celles de l’autre. On est bien servi dans tous ces bains moyennant trois ou quatre aspres ; les étrangers ordinairement payent plus honorablement, et tout le monde y est bien venu depuis quatre heures du matin, jusques à huit heures du soir.

On entre d’abord dans une belle sale, au milieu de laquelle est la principale fontaine, dont le bassin sert à laver le linge de la maison ; tout autour de la sale regne une banquette élevée d’environ trois pieds couverte de nattes ; on s’assit sur cette banquette pour fumer et pour quitter ses habits que l’on envelope dans une serviette. L’air de cette premiere sale est si temperé, que l’on ne s’aperçoit pas de n’avoir sur le corps qu’un tablier attaché à la ceinture pour se couvrir par devant et par derriere. On passe avec cet équipage dans une petite sale un peu plus chaude, et de là dans une plus grande où la chaleur est plus sensible : toutes ces sales sont ordinairement terminées en petits dômes éclairez par des ouvertures garnies chacune d’une cloche de verre, semblable à celles dont nos Jardiniers couvrent les melons. On trouve dans cette derniere sale des bassins de marbre avec deux robinets, l’un d’eau chaude, et l’autre d’eau froide, que chacun mêle à sa fantaisie pour s’en jetter sur le corps avec de petits sceaux de cuivre qui sont sur les lieux. Le pavé de cette chambre est échauffé par des fourneaux souterrains, et l’on s’y promene tant qu’on le juge à propos.