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Les Casuistes Mahometans ne conviennent pas sur quel pied chacun doit regler ses aumônes. Les uns croyent qu’il suffit de donner un pour cent de tous ses biens ; les autres prétendent qu’il faut en retrancher la quatriéme partie en faveur des pauvres ; les plus séveres obligent à la dixiéme partie. Outre les aumônes particulieres, il n’y a point de nation qui fasse plus de dépense en fondations que les Turcs. Ceux même qui ne joüissent que d’une médiocre fortune, laissent aprés leur mort de quoi entretenir un homme qui, dans les grandes chaleurs de l’Eté, donne de l’eau à boire à ceux qui passent devant leur sepulture. Je ne doute pas qu’on n’y trouvast des muids de vin, si Mahomet ne leur en eust deffendu l’usage. La maniére de faire l’aumône est bien expliquée dans le précepte suivant. Assistez vos peres et meres, vos proches parens, les orphelins, vos voisins, ceux qui voyagent avec vous, les pelerins, ceux qui sont sous vôtre puissance ; mais ne le faites pas pour en tirer de la vanité, car Dieu l’a en horreur. Je puniray séverement, (dit le Seigneur) et je couvriray de confusion ces sortes d’avares, qui non contens de ne point faire part aux autres, des biens dont je ne les ay rendus que dépositaires, persuadent au contraire qu’il ne faut rien donner. Que ceux qui ont la foy fassent des aumônes et des prieres avant que le jour du Jugement vienne, car il ne sera plus temps d’achetter le paradis aprés ce terrible jour.

On ne trouve en Turquie ni gueux ni mendians, parce que l’on y prévient les besoins des malheureux. Les riches vont dans les prisons délivrer ceux qui y sont arrêtez pour dettes. On assiste avec soin les pauvres honteux. Combien voit-on de familles ruinées par les incendies qui se rétablissent par les charitez ? elles n’ont qu’à se presenter à la porte des Mosquées. On va dans les maisons consoler les affligez. Les malades, fussent-ils pestiferez, trou-