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beaucoup plus de ces peaux de Foüines qui viennent par la Sicile, que de celles de France, mais elles y sont moins cheres, parce que celles de France passent sur le pied des Foüines d’Armenie et de Georgie.

Outre les soyes de Perse et le fil de chevre d’Angora et de Beibazar, qui sont les plus riches marchandises du Levant, nos marchands tirent de Smyrne le Coton filé ou Caragach, le Coton en rame, les Laines fines, les Laines bâtardes, et celles de Metelin, les Noix de Gale, la Cire, la Scamonée, la Rhubarbe, l’Opium, l’Aloës, la Tutie, le Galbanum, la Gomme Arabique, la Gomme Adragant, la Gomme Ammoniac, le Semen contra, l’Encens, la Zadoavia, et des Tapis grands et communs.

Tout le commerce se fait par l’entremise des Juifs, et on ne sçauroit rien vendre ni acheter qui ne passe par leurs mains. On a beau les traiter de Chifous et de malheureux, rien ne se meut que par leurs organes. Il faut leur rendre justice, ils ont plus d’habileté que les autres marchands ; ils vivent d’ailleurs à Smyrne d’une maniere assez aisée, et ils y font une dépense fort honorable, ce qui paroît tres extraordinaire parmi une nation qui n’étudie que l’art de leziner. Les marchands étrangers vivent entreux avec beaucoup de politesse, et ils ne manquent à aucune visite de céremonie ou de bienséance. Les Turcs paroissent rarement dans la ruë des Francs, qui est de toute la longueur de la ville. Il semble, quand on est dans cette ruë, que l’on soit en pleine chrétienté ; on n’y parle qu’Italien, François, Anglois, Hollandois. Tout le monde se découvre en se saluant. On y voit des Capucins, des Jesuites, des Recolets. La langue Provençale y brille sur toutes les autres, parce qu’il y a beaucoup plus de Provençaux que d’autres nations. On chante publiquement dans les Eglises, on psalmodie, on prêche, on y fait le service