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guets qu’il n’en faudroit pour entretenir des armées formidables. Aujourd’hui les forces maritimes de ce grand Empire se trouvent réduites à 28 ou 30 vaisseaux de guerre, et l’on n’arme guere plus de 50 galeres. Les Turcs ont eu des flotes beaucoup plus puissantes du temps de Mahomet II, de Selim, de Solyman II. mais elles n’ont jamais fait de grandes expéditions. Depuis la guerre de Candie on a fort négligé la marine, et peut-être qu’elle le seroit encore davantage, si Mezomorto Capitan Pacha ne l’eût relevée de nos jours. L’avantage qu’il remporta aux Isles de Spalmadori sur les Venitiens, lui valut la prise de Scio, et r’anima le courage Mahometans. Il avoit les talents d’un grand homme de mer, et il n’oublioit rien pour engager les Officiers chrétiens au service du Grand Seigneur. Le Sultan peut avoir aujourd’hui cinq ou six Capitaines renegats qui sont fort expérimentez, mais les Matelots ignorent la manœuvre, et les Canoniers sont tres-mal-adroits. Le successeur de Mezomorto n’étoit pas fort estimé. Adraman Pacha qui fut nommé Général de la mer aprés la mort de ce dernier, étoit capable de perfectionner la marine des Turcs, si ses envieux ne l’avoient pas fait étrangler quelque temps aprés son élevation. Il étoit connu parmi les Turcs sous le nom du Pacha de Rhodes, et chez les chrétiens, sous celui du fils de la bouchere de Marseille. On le prit tout jeune sur un vaisseau de cette ville armé en course, et il eut le malheur de se faire Mahometan : il passoit chez les Turcs pour un homme fort équitable et fort desinteressé. On asseûre qu’un jour faisant la police à Scio, il demanda à qui appartenoient trois ou quatre bourriques chargées de pierres et attachées à la porte d’une maison ; et ayant appris que leurs maîtres déjeunoient tout prés de là, il poursuivit sa tournée ; mais à son retour,