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la Mosquée, le prétendu Tambour d’Orcan, lequel est trois fois plus grand que les Tambours ordinaires. Quand on le remuë il fait beaucoup de bruit, par le moyen de quelques boules de bois ou d’autre matiere qui le font raisonner, au grand étonnement des gens du pays. Le Chapelet de ce Sultan est aussi dans le même lieu, ses grains en sont de jay et gros comme des noix. Il reste encore à la porte de cette Mosquée une piece de marbre sur laquelle on lisoit autrefois une Inscription grecque, car pour aujourd’hui on n’y connoît plus rien. Outre les Mosquées dont j’ai parlé, il y a dans Pruse plusieurs Colleges d’Institution Royale, où les Ecoliers sont nourris et instruits gratuitement dans la Langue Arabe et dans la connoissance de l’Alcoran. On les distingue par la sesse blanche de leurs Turbans, laquelle forme des nœuds gros comme le poing, disposez en étoiles. On garde dans une Chapelle Turque, auprés de la ville, une ancienne épée fort large, que l’on prétend être l’epée de Roland. La Chapelle est sur une eminence du côté du Sud-Oüest.

Il y a un Pacha dans Pruse, un Janissaire Aga qui commande environ 250 Janissaires, et un Moula ou grand Cadi qui est le plus puissant Officier de la ville. Dans le temps que nous y étions, c’étoit le fils du Moufti de Constantinople qui occupoit cette place, et même il avoit la survivance de la charge de Moufti, qui est une chose sans exemple en Turquie. Il suivit peu de temps aprés le sort de son pere ; non seulement le fils fut dépoüillé de ses biens et honneurs, mais mis à mort dans le temps que le pere fut traîné sur une claye à Andrinople.

Les Armeniens n’ont qu’une Eglise dans Pruse. Les Grecs en ont trois. Les Juifs ont quatre Sinagogues. Nous fûmes surpris, en nous promenant dans cette ville, d’y entendre parler aussi bon Espagnol que dans Ma-