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Le 19 Octobre nous quittâmes le pays salé pour rentrer dans des vallées et des plaines couvertes de plusieurs sortes de Chênes. On campa tout prés du village de Beglaise aprés sept heures de marche. La route du lendemain fut de 12 heures dans des plaines entrecoupées de buttes garnies de bois de chênes, qui ont les feüilles semblables aux nôtres, quoiqu’ils ne montent guere plus haut que ceux de nos taillis. Nous passâmes ce jour-là à gué la riviere d’Halys ou le Casilrimac des Turcs, qu’une montagne toute opposée au grand chemin oblige de prendre son cours vers le Nord. Le Casilrimac n’est pas profond, mais il nous parut aussi large que la Seine à Paris, et l’on nous asseûra qu’il ne passoit qu’à une journée de Cesarée. Du haut de la montagne nous tombâmes, pour ainsi dire, dans un horrible fond, et nous nous arretâmes au village de Courbaga. De là jusques à deux lieües d’Angora le pays est rude et desagréable. Nous arrivâmes dans cette celebre ville le 22 Octobre, aprés quatre heures de marche, par une vallée assez-bien cultivée en quelques endroits.

Angora ou Angori, comme prononcent quelques-uns, et que les Turcs appellent Engour, nous réjoüit plus qu’aucune ville du Levant. Nous nous imaginions que le sang de ces braves Gaulois qui occupoient autrefois les environs de Toulouse et le pays qui est entre les Cevenes et les Pyrenées, couloit encore dans les veines des habitans de cette place. Ces génereux Gaulois trop resserrez dans leurs terres, par rapport à leur courage, partirent au nombre de trente mille hommes pour aller faire des conquêtes dans le Levant, sous la conduite de plusieurs Chefs dont Brennus étoit le principal. Tandis que ce Géneral ravageoit la Grece et qu’il pilloit le Temple de Delphes où il y avoit des richesses immenses, vingt