Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Loup dont Pline a fait mention, et qui va se jetter dans l’Iris. Cette riviere fait de grands ravages dans le temps des pluyes, et lorsque les neiges fondent. On nous asseûra qu’il y avoit trois rivieres qui s’unissoient vers Amasia, le Couleisar-sou, ou la riviere de Chonac, le Tosanlu, ou celle de Tocat et le Casalmac ; cette derniere retient son nom jusques à la mer.

Nous partîmes de Tocat pour Angora le 10 Octobre 1701, avec une Caravane composée de nouveaux venus, et de celle que nous avions suivie jusques à Tocat. Ces nouveaux venus avoient mis 24 jours à venir de Gangel à Erzeron, et par conséquent allongé leur marche de 6 jours pour éviter la Douanne de Teflis où l’on fait payer des droits tres-considérables. Ils conduisoient 75 chevaux ou mulets chargez de 150 bales de soye, qui pesoient chacune 26 Batmans. Sortant de Tocat on entre dans une belle plaine où la riviere serpente ; c’est peut-être la plaine que Paul Jove appelle les Champs des Oyes, où se donna la bataille entre les troupes de Mahomet II, et celles d’Uzum-Cassan Roy de Perse.

Aprés quatre heures de marche on campa auprés du village d’Agara, dans le cimetiere duquel se voyent quelques morceaux de colomnes et de corniches anciennes de marbre blanc et d’un beau profil, mais sans inscriptions. Toutes les montagnes des environs sont de marbre comme celles de Tocat. Pour ce qui est du Bol, je ne doute pas qu’il n’y soit fort commun, car il y a des endroits escarpez et taillez à plomb qui sont d’un rouge vif, semblable à celui des roches, dont parle Paul Jove, dans les cavernes desquelles se retira Techellis fameux Mahometan, disciple d’Hardual grand Interprete de la Loi, pour y vaquer non seulement à la meditation et à la priere ; mais aussi pour éviter les persécutions de ceux qui s’opposoient à la doctrine de son Maître.