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que les autres, laquelle conduit à Tocat ; mais cette ville ne paroît que lors qu’on est arrivé aux portes, car elle est située dans un recoin au milieu de grandes montagnes de marbre. Ce recoin est bien cultivé et rempli de vignobles et de jardins qui produisent d’excellens fruits ; le vin en seroit merveilleux s’il étoit moins violent.

La ville de Tocat est beaucoup plus grande et plus agréable qu’Erzeron. Les maisons sont mieux bâties et la pluspart a deux étages ; elles occupent non seulement le terrein qui est entre des collines fort escarpées, mais encore la croupe de ces mêmes collines en maniére d’amphitheatre, en sorte qu’il n’y a pas de ville au monde dont la situation soit plus singuliere. On n’a pas même negligé deux roches de marbre qui sont affreuses, herissées, et taillées à plomb, car on voit un vieux château sur chacune. Les ruës de Tocat sont assez bien pavées, ce qui est rare dans le Levant. Je crois que c’est la necessité qui a obligé les bourgeois à les faire paver, de peur que les eaux des pluyes, dans le temps des orages, ne découvrissent les fondemens de leurs maisons et ne fissent des ravins dans les ruës. Les collines sur lesquelles la ville est bâtie, fournissent tant de sources que chaque maison a sa fontaine. Malgré cette grande quantité d’eau on ne pût pas éteindre le feu qui consuma, quelque temps avant nôtre arrivée, la plus belle partie de la ville et des fauxbourgs. Plusieurs marchands en furent ruinez, car leurs magasins étoient pleins dans ce temps-là ; mais on commençoit à la rebâtir, et l’on esperoit que les marques de l’incendie n’y paroîtroient bientôt plus. On trouve assez de bois et de materiaux autour de la ville.

Il y a dans Tocat un Cadi, un Vaivode, un Janissaire Aga, avec environ mille Janissaires et quelques Spahis. On y compte vingt mille familles Turques, quatre mille