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laquelle on voit le reste d’un vieux Aqueduc à arcades arrondies qui paroît assez ancien. Nous passâmes ce même jour la riviere qui va se jetter dans la mer Noire à Vatiza ; cette riviere vient du Midi, au lieu que dans nos Cartes on la fait couler du côté de l’Est.

Le 19 Septembre on continua de marcher au Nord-Oüest, dans une autre vallée fort étroite, aprés quoi nous entrâmes dans une assez-belle plaine à l’Oüest, où coule un agréable ruisseau sur le bord duquel est le village de Sukmé. Un peu en deçà de ce village, à droite du grand chemin, se voyent deux morceaux de colonnes antiques, sur le plus petit desquels il y a des caracteres grecs fort anciens, que la peur des voleurs nous empécha d’examiner ; et d’ailleurs l’inscription nous en parut tres usée. Peut-être qu’elle fait mention du nom de quelque ancienne ville sur les ruines de laquelle Sukmé a eté bâti. Aprés une route de cinq heures et demi, on campa auprés d’un autre village appellé Kermeri.

La marche du 20 Septembre fut de 7 heures, et nous nous arrêtames à Sarvoular autre village bâti de même que Kermeri, c’est à dire fort pauvrement. A la descente de la montagne et à l’entrée d’un coupe-gorge, on découvrit cinq ou six voleurs à cheval, qui se retirérent, sur ce que nous les menacions de tirer sur eux. On mit pied à terre en tenant le fusil, les pistolets, le sabre ou la lance à la main ; car nous avions dans nôtre troupe des gens armez de toutes ces differentes pieces, mais il y en avoit peu qui fussent bien résolus de s’en servir ; pour moi j’avoüe franchement que je ne me sentois pas l’ame guerriere ce jour-là. Les balles de soye étoient au milieu de la marche, et les cavaliers les plus lestes s’étoient partagez à la tête et à la queuë. Quelques voleurs parurent à un quart de lieuë de là sur les hauteurs voisines ; cependant