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celle du jour précedent ; ce ne sont que rochers qui déterminent l’Euphrate à couler vers le couchant. Les bords de cette riviere sont couverts d’une belle espece d’Epine-vinette, plus haute que la nôtre, et que l’on distingue par son fruit. C’est une grappe à sept ou huit grains cilindriques, longs d’environ 4 lignes sur deux lignes d’épais, noirs, couverts d’une fleur semblable à celle des prunes fraîches, pleins d’un suc violet moins aigre et beaucoup plus agréable que celui de l’Epine-vinette. L’arbrisseau dont nous parlons a les feüilles longues d’environ deux pouces sur prés de 10 lignes de largeur, aigrelettes et dentées. Le bois en est jaune, garni d’épines dures, quelques-unes simples, et les autres à deux ou trois piquans. Cette plante a levé de graine dans le Jardin du Roy.

Le 16 Septembre on marcha depuis quatre heures et demi du matin jusques à une heure aprés midi, dans une vallée étroite, desagréable, inculte, où l’on ne trouve qu’un seul Caravanserai, et où l’Euphrate qui coule toujours vers l’Oüest fait plusieurs détours. Nous fûmes obligez de passer deux fois cette riviere, ayant appris par une Caravane composée de 24 Chameaux, qu’il y avoit beaucoup de voleurs sur le chemin de Tocat. A cette nouvelle nous nous rassemblâmes pour tenir Conseil, et il fut décidé qu’on tâcheroit de faire la meilleure contenance qu’il seroit possible. On ne manqua pas de mettre dans le centre de la marche tous les chevaux chargez de soye, et nous nous trouvions tantôt parmi eux, et tantôt à l’arriere garde. On arriva sur les 11 heures à l’entrée d’une vallée encore plus étroite, et tandis que nous nous retranchions sur la pente de la colline à la veüe de ce coupe-gorge, on détacha trois fusiliers pour aller reconnoître le passage ; heureusement ils rapportérent qu’ils n’avoient