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leur authorité, et qui leur donne quelquefois la hardiesse de déposer les Sultans. Quoi-qu’ils ne soient que douze ou treize mille dans Constantinople, ils sont assûrez que leurs camarades, quelque part de l’Empire qu’ils soient, ne manqueront pas d’approuver leur conduite.

S’ils croient avoir sujet de se plaindre, leur mécontentement commence à éclater dans la cour du Divan, dans le temps qu’on leur distribuë les jattes de Ris preparé dans une des cuisines du Grand Seigneur ; car ils mangent fort tranquillement s’ils sont contens ; et au contraire ils poussent la jatte du bout du pied et la renversent, s’ils ne sont pas satisfaits du Ministere. Il n’y a point d’insolences qu’ils ne soient capables de dire dans ce temps-là contre les premiers Ministres, étant bien persuadez qu’on ne manquera pas de leur donner satisfaction : c'est à quoi l’on tâche aussi de pourvoir de bonne heure pour prévenir leur soulevement, sur tout quand on leur doit plusieurs payes. Les mutineries des Janissaires sont fort à craindre : combien de fois n’ont-ils pas fait changer en un instant la face de l’Empire ? Les plus fiers Sultans et les plus habiles Ministres ont souvent éprouvé combien il étoit dangereux d'entretenir en temps de paix une milice, qui connoît si bien ses interests. Elle déposa Bajazet II. en 1512. Elle avança la mort d’Amurat III. en 1595. Elle menaça Mahomet III. de le deshonorer. Osman II. qui avoit juré leur perte, ayant imprudemment fait éclater son dessein, en fut indignement traitté, car on le fit marcher à coups de pieds depuis le Serrail jusques au Château des sept tours, où il fut étranglé l’an 1622. Mustapha I. que cette insolente milice mit à la place d'Osman, fut détrôné deux mois aprés, par ceux-là mêmes qui l’avoient elevé. Ils firent aussi mourir Sultan Ibrahim en 1649. aprés l’avoir traîné ignominieusement aux sept tours. Son fils Mahomet IV. ne fut