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ment universel dans un endroit qu’ils placent entre le Ciel et la Terre, où elles se flattent de joüir un jour de la gloire, quoiqu’elles soient dans la crainte d’être condamnées à un supplice eternel.

Saint Nicon qui étoit de la petite Armenie, et qui avoit passé quelques années de sa vie à faire des Missions dans la grande Armenie pendant le X. siécle, nous a laissé un Traité en Grec touchant les Erreurs des Armeniens ; l’original est dans la Bibliotheque du Roy, et Mr Cottelier en a donné une version Latine. S. Nicon rapporte des choses fort singulieres sur la croyance de ces peuples, et ne les accuse pas seulement d’être disciples d’Eutyches, de Dioscore, de Pierre l’Armenien, et de Mantacunez, mais aussi d’être dans l’heresie des Monothelites. Il raconte quelques-unes des fables qui font encore partie de leur petit Evangile.

Cependant ces peuples ont des grandes graces à rendre au Seigneur qui leur envoya deux de ses Apôtres peu de temps aprés sa Passion. Baronius asseûre que S. Barthelemy et S. Thadée souffrirent le martyre en Armenie 44 ans aprés la mort de Jesus-Christ, en récompense de la foy qu’ils y avoient annoncée. Malheureusement elle n’y fist pas de grands progrés, car Eusebe nous apprend qu’un saint Evêque appellé Meruzane y sema le bon grain sous l’Empire de Dece, et Dieu répandit tant de benedictions sur ces peuples, qu’on ne voyoit que des Chrétiens parmi eux sous Diocletien. Maximien se mit en teste de les détruire, mais les Armeniens prirent les armes pour la défense de leur foy ; et ce fut, comme dit Eusebe, la premiere guerre qu’on eût entreprise pour la religion. Enfin Dieu acheva d’ouvrir les yeux à ces peuples par le ministere de S. Gregoire l’Illuminateur Armenien de naissance, mais élevé à Cesarée en Cappadoce