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de, ou d’être mis à l’amende retient tout le monde chez soi. On dit communément en Turquie, que les ruës ne sont que pour les chiens pendant la nuit ; il est vrai qu’elles en sont toutes remplies : chacun leur jette à manger, et il seroit fort dangereux de s’y promener à pied pendant ce temps-là. Ces animaux qui sont hideux et carnassiers, comme nos chiens de boucherie, font une terrible patroüille et des hurlemens épouventables au moindre bruit qu’ils entendent. Souvent l’agitation de la mer les met en furie.

Les soldats y sont fort tranquilles, à la réserve des Leventis qui servent sur les galeres : mais outre qu’ils ne font de desordre que dans les fauxbourgs de Constantinople qui sont prés de la marine, on les a mis à la raison depuis que le Caimacan a permis aux Chrétiens de se défendre, comme je l’ay déja dit ci-devant ; et cela sur les plaintes que les Ambassadeurs faisoient tous les jours des insultes que les sujets de leur nation en recevoient. Pour les Janissaires, ils vivent fort honnêtement dans Constantinople, mais ils sont bien déchûs de cette haute estime où étoient les anciens Janissaires qui ont tant contribué à l’établissement de cet Empire. Quelques précautions qu’aient prises autrefois les Empereurs pour rendre ces troupes incorruptibles, elles ont beaucoup dégeneré ; il semble même qu’on soit bien aise, depuis prés d’un siecle, de les voir moins respectez, de crainte qu’ils ne se rendent plus redoutables.

Quoi-que la pluspart de l’infanterie Turque prenne le nom de Janissaires, il est pourtant seûr que dans tout ce grand Empire, il n’y en a pas plus de vingt-cinq mille qui soient vrais Janissaires, ou Janissaires de la Porte. Autrefois cette milice n’étoit composée que des enfans de Tribut que l’on instruisoit dans la religion des Turcs ; presentement