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semences grisâtres assez semblables à celles de la Jusquiame. Toute la Plante est saveur d’herbe assez mucilagineuse.

Le 23 Aoust nous partîmes de Cars avec une petite Caravane destinée pour escorter une voiture d’argent que le Carachi-Bachi ou le Receveur de la Capitation envoyoit à Erzeron. C’étoient tous gens choisi, bien armez, et déterminez à se bien battre ; au lieu que les Caravanes des marchands sont composées de gens qui épargnent leur peau, comme l’on dit, et qui aiment mieux être rançonnez que d’en venir aux mains. Tout bien consideré, ce parti leur convient mieux, un marchand gagne toujours beaucoup, quand il sauve sa vie et ses marchandises pour une poignée d’écus. Nous ne marchâmes que quatre heures ce jour-là, et nous campâmes auprés de Benecliamet village dans une assez grande Plaine où nous trouvâmes une nouvelle escorte de Turcs, gens bien faits et bien résolus.

Le 24 Aoust le Carachi-Bachi qui avoit un Commandement du Pacha de Cars pour prendre dans les villages de la route autant de gens qu’il jugeroit à propos pour assûrer le transport de son argent, fit venir des montagnes environ trente personnes bien armées qui ne laisserent pas de nous faire plaisir, car le bruit couroit que les Curdes vouloient enlever le tresor. Cette nouvelle escorte fut relevée le lendemain par une autre bande aussi forte. Une Caravane de soixante Turcs ne craint pas deux cens Curdes ; ceux-ci n’ont que des lances, et nos Turcs avoient de bons fusils et des pistolets. On ne partit ce jour-là que sur les neuf heures pour aller coucher à Kekez village situé dans la même Plaine à trois heures de distance. Nous eûmes une recrüe de sept ou huit personnes qui conduisoient du Ris à Erzeron ; mais ce n’étoit pas gens à fortifier nôtre troupe.