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van les ont considerez, les Capigis les emportent piece à piece et les exposent dans la cour afin que chacun juge de la magnificence du Prince qui les envoye : pendant ce temps l’on donne une veste à l’Ambassadeur, et l'on en distribuë aussi à ceux de sa suite. Le Sultan se rend dans la sale d'Audiance, qui est auprés du Divan, et se place sur son Thrône ; ce thrône est à piliers qui soutiennent un dais de bois, tout couvert de lames d’or garnies de châtons dont les diamans et les pierreries sont d’un tres-grand prix. Il est au coin de la sale sur une estrade élevée d'un pied et demi, couverte de tapis et de quarreaux de la derniere magnificence. Le Sultan est assis les genoux croisez, et l’on ne voit autour de lui que le Chef des Eunuques blancs, le Garde du Thresor secret, et quelques Muets. On ne sauroit voir le visage de ce Prince que de profit, parce que la porte de la sale ne répond pas au coin où le Thrône est placé. Les personnes de la suite de l'Ambassadeur, à qui on a donné des vestes, salüent le Sultan les premiers, et sont conduits chacun par deux Capigis qui les portent sous les bras. L’Ambassadeur même qui selon la coûtume du pays le saluë le dernier, est porté en cette posture par deux Capitaines de la Porte ; et la marche se fait de telle maniere qu’ils ne tournent jamais le dos au Sultan. On lui baisoit autrefois la main, mais on a jugé à propos de retrancher cette cérémonie depuis que Amurat I. du nom, fils d'Orcan fut poignardé par un malheureux qui crût par là venger la mort du Despote de Servie son maître. On a baisé pendant certain temps une longue manche qui étoit attachée tout exprés à la veste de l’Empereur ; Mr de Cesi et Mr de Marcheville Ambassadeurs de France ont eü cet honneur. Mais cet usage a été aboli depuis peu, et à present les Ambassadeurs font un simple salut, quoi-que les Capitaines des Gardes affectent autant