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employez pour les Caravanes, et ne vouloient pas aller fatiguer leurs chevaux dans un endroit si affreux. Cependant cette montagne si fameuse n’est qu’à deux petites journées du Monastere, et nous connûmes bien dans la suite qu’il n’est pas possible de s’y engager, par la raison qu’elle est toute découverte, et que l’on ne sauroit monter que jusques à la neige. Ce n’est pas une grande merveille, quoiqu’en disent les Religieux, de ne pouvoir pas en ateindre le sommet, puisqu’il est presque à moitié couvert de neige glacée depuis le déluge. Ces bonnes gens croyent, comme un article de foy, que l’Arche s’y arrêta. S’il est vrai que ce soit la plus haute montagne d’Armenie, suivant le jugement des gens du pays ; il est tres-certain aussi que c’est la plus chargée de neige. Ce qui fait paroître l’Ararat plus elevé, c’est qu’il est planté seul en forme de pain de sucre au milieu d’une des plus grandes plaines que l’on puisse voir. Il ne faut pas même juger de sa hauteur par la quantité des neiges qui le couvrent, puisque la neige se conserve dans le plus fort de l’Esté sur les moindres collines d’Armenie. Quand on demande aux Moines Armeniens, s’ils n’ont pas des reliques de l’Arche, ils répondent sagement qu’elle est encore ensevelie dans les fondrieres des neiges du Mont Ararat.

Nous allâmes le 8 Aoust à Erivan ville considérable et Capitale de l’Armenie Persienne, à trois heures de chemin des Trois Eglises. Ce n’étoit pas seulement dans le dessein de voir la Place, mais aussi pour prier le Patriarche de nous faire donner des voituriers pour le Mont Ararat, suivant le conseil des Religieux des Trois Eglises ; et certainement nous n’en aurions pas trouvé sans un ordre de sa part. La ville d’Erivan est remplie de vignes et de jardins, bâtie sur une colline qui est au bout